La presse économique l’annonce : Flyer Bikes licencie. Pour ceux qui en doutaient encore, l’actualité est une nouvelle fois là pour nous le rappeler. Le secteur du cycle n’est pas au mieux de sa forme.
Ainsi, chez Flyer Bikes à Huttwil en Suisse, ce ne sont pas moins de 80 salariés qui ont appris leur licenciement. Ce plan fait suite à celui plus modéré du mois de juillet. Mais pour l’entreprise Suisse de 300 personnes, spécialisée dans la conception et la fabrication de VAE haut de gamme, cela représente près d’un tiers des employés.
Comment en est on arrivé là ?
Si la société Suisse Flyer Bikes licencie aujourd’hui, elle n’est pas la seule à rencontrer d’importants problèmes financiers. Tout a commencé à la fin de l’année 2019. Un méchant virus attaque la planète. Pour lutter contre sa propagation des usines entières ferment où fonctionnent au ralenti. L’Asie, axe économique majeur, paie un prix fort.
Des usines au ralenti, une demande de vélo qui explose
Dans le même temps, en Europe et dans le monde occidental, de nombreux salariés découvrent les atouts du vélo. Ils sont prêts à tout pour acquérir la bicyclette qui les mettra à l’abri du virus en leur évitant la promiscuité des transports publics tout en les protégeant des embouteillages.
Les marques vendent tout leur stock, les magasins sont dépouillés. Pour surfer sur cette demande, les fabricants de vélos commandent beaucoup de pièces en Asie et les magasins passent beaucoup de commandes auprès des marques. Mais…
Hausse des coûts et retard de livraison
Les chaînes de production peinent à retrouver leur rythme d’avant. Parallèlement, les coûts des matières premières et du transport explosent. Les vélos arrivent au compte goutte. Les stocks sont pour la plupart déjà vendus. Il faut donc commander pour les années à venir afin de satisfaire au plus vite les clients. Dans les magasins, on passe commande, sûr de pouvoir tout vendre. Oui mais voilà…
On nous livre tout d’un coup
Christophe Rosenstiel, patron d’Easy Design Technology, la maison mère des vélos cargo Kiffy, le résume mieux que personne. « L’année 2022 a été très difficile pour Kiffy. Notre motoriste était incapable de nous fournir et cela à bloquer la sortie de nos vélos. En 2023, la situation s’est débloquée. Malheureusement, notre fournisseur s’est permis de nous livrer toutes nos commandes d’un coup. Nous avons du payer 500 000 euros de marchandise d’une traite. Pour une petite structure comme la nôtre ce fut le coup de grâce. » Bilan, depuis la fin du mois de mai 2023, l’entreprise est en redressement judiciaire.
Guerre en Ukraine et inflation
Dans le même temps, Vladimir Poutine, avide de reconstituer l’ex empire soviétique, décide de faire la guerre à l’Ukraine pour reprendre des territoires qui ne lui appartiennent plus. Oui, je sais, c’est assez schématique mais nous sommes là pour tenter de comprendre ce qui se passe dans le monde de la petite reine. Embargo sur le gaz russe, hausse des coûts de l’énergie, et nos centrales nucléaires qui sont à l’arrêt. Le prix des énergies augmente entraînant à sa suite, la hausse des prix d’à peu près tout. Autant vous dire que les consommateurs n’ont plus 3000 euros cash à mettre dans un vélo.
Inadéquation entre l’offre et la demande
N’allez pas imaginer que le vélo redevienne un mode de transport de bobo au pouvoir d’achat élevé. De nombreux citadins aimeraient se déplacer à bicyclette que ce soit pour éviter les embouteillages incessants des centres-ville ou les remplissages trop onéreux de leur réservoir de voiture. Mais le tarif des vélos à assistance électrique devient prohibitif. Et, malgré les promotions estivales qui ont eu lieu cet été pour tenter de réduire les stocks, les tarifs de vente dissuadent. Aujourd’hui, les 2500 euros d’un VAE d’entrée de gamme, on les met plutôt sur un livret A ou on les utilise pour faire bouillir la marmite.
Des aides plus restreintes
D’autant plus que les aides à l’achat sont aujourd’hui soumises pour beaucoup à des conditions de ressources. La classe moyenne se retrouve alors bien souvent sur le carreau. Trop riche pour en bénéficier, trop pauvre pour lâcher d’importantes sommes dans un vélo. Ces derniers se sortent donc plus des magasins et ces derniers n’ont plus les moyens de passer commandes pour les nouveautés.
Des prix au plus hauts
Et ces dernières encombrent les stocks des fabricants. Cela se traduit par une importante mobilisation de capital. Car, lorsque les marques ont passé leurs commandes en Asie, elles ont du payer cash… le prix fort. En effet,les commandes ont été passées deux ans en amont, à l’heure ou tous les feux étaient au vert. Donc pour ne pas couler, les fabricants ne peuvent pas brader leurs vélos auprès des revendeurs. D’autant que ces derniers n’en veulent pas car ils n’ont pas encore vendu tout leur stock des années passées.
Bilan
A avoir eu les yeux plus gros que le ventre, de nombreuses grandes marques, comme Flyer Bikes, sont au bord de la rupture. On licencie pour réduire la production et on fait le dos rond en espérant que la situation s’arrange rapidement. Mais rien ne dit que d’autres acteurs majeurs du milieu ne vont pas eux aussi licencier. La bulle éclate. Espérons que cela ne soit pas trop violent !